Julien, cadre de santé au bloc opératoire, collectionne les Post‑it : rappels d’antibioprophylaxie, suivi des temps de brancardage, tableau de bord pré‑anesthésie. Six mois plus tard ? Toujours rien d’exploitable. Scène banale. Pourtant, 42 % des Français ont déjà téléconsulté au moins une fois en 2024, preuve que, dès qu’une innovation répond à un besoin concret, l’adoption décolle. Peut‑être est‑il temps d’offrir aux idées du terrain le même destin que la télémédecine.
Des idées métiers nombreuses mais rarement traduites en solutions concrètes
Dans les hôpitaux, chaque service regorge généralement de « bons sens numérique ». Une infirmière d’orthopédie souhaiterait tracer automatiquement les attelles, le pharmacien rêve d’une appli de relance des prescriptions, le service social réclame un portail de coordination.
Mais faute de passerelle avec la DSI, l’énergie s’évapore.
Dans un centre de rééducation que j’ai accompagné, 14 jours‑homme par mois servaient encore à ressaisir des données déjà stockées dans le dossier patient.
14 jours.
Frustrant ? Forcément.
Trois langages se croisent ici : les soignants parlent flux de patients, l’IT raisonne API et middleware, et la direction chasse les coûts et cherche un ROI mesurable.
Sans « traducteur », le projet se dissout.
Le concept métier dans le contexte de la santé
Un concept métier, c’est l’étincelle : « Si le service de gériatrie recevait l’imagerie plus tôt, on libérerait un lit par jour ».
Cette flamme ne dure que si trois piliers la soutiennent : sécurité, interopérabilité, viabilité clinique.
- Sécurité & conformité. Hébergement HDS, chiffrement de bout en bout, journalisation complète ; le RGPD ne pardonne pas.
- Interopérabilité. Dialogue HL7 ou FHIR avec le DPI, la pharmacie et le RIS‑PACS sous peine d’îlot applicatif.
- Validation clinique. Workflow co‑signé par un trio médecin‑cadre‑DSI.
Sans ce triptyque, les Post‑it jaunissent sur le tableau et les lits restent occupés.
Zoom réglementaire : un passage obligé
Au niveau réglementaire, la santé ne se contente pas du RGPD. Ajoutez :
- PGSSI‑S pour la politique générale de sécurité des SI de santé ;
- Référentiel d’hébergement HDS v2 pour certifier le cloud ;
- Doctrine d’Interopérabilité de l’ANS (v2024) pour cadrer vos API ;
- Instruction DGOS 2025‑80 qui impose un plan de résilience cyber dans chaque établissement.
Respectez‑les dès le cahier des charges et vous gagnerez ainsi des mois au moment de la mise en production.
Les limites des logiciels hospitaliers traditionnels
On présente souvent le SIH comme un outil « tout‑en‑un » capable de couvrir l’ensemble du parcours patient, de l’admission à la facturation. En réalité, même les CHU les mieux outillés jonglent avec des centaines de logiciels distincts (jusqu’à un millier dans certains très grands établissements : DPI, RIS‑PACS, gestion des lits, planning bloc, LIMS, etc.).
Autrement dit : l’image d’un seul SIH « intégral » ne reflète vraiment pas la réalité, car chaque brique métier s’ajoute ou se substitue au fil des années…
D’ailleurs, selon la Cour des Comptes, le numérique ne représente que 1,7 % du budget d’exploitation contre 9 % dans la banque.
Conséquence, des cycles projets de 18–36 mois, des ergonomies datées, des interfaces point‑à‑point coûteuses, et des mises à jour qui imposent des fenêtres de maintenance…
L’éléphant dans la cabine téléphonique.
Comment transformer un concept métier en solution numérique ?
Alors comment s’y prendre concrètement ? Par où devez-vous commencer ?
- Cadrez avec le terrain. Atelier flash de 90 On définit un MVP clair : « réduire le temps de sortie de 20 minutes pour 80 % des patients ». Pas une minute de jargon.
- Prototypage visuel et low‑code/no-code. Plateforme drag‑and‑drop, connecteurs HL7 prêts à l’emploi : en trois jours, une maquette tourne sur tablette.
- Itérez, sécurisez, déployez. Sprint d’une semaine, corrections en temps réel, audit HDS et SSO intégrés. Face à la pression sur les lits et à la complexité des trajectoires de soins, de plus en plus d’établissements cherchent des approches numériques agiles pour fluidifier les sorties hospitalières et mieux coordonner les transitions vers d’autres milieux de vie.
Une boucle = une amélioration visible.
Roadmap pratique : 0 – 18 mois pour passer du Post‑it à la prod
En termes de roadmap, vous pouvez traduire cela par :
- 0‑3 mois – Gouvernance. Constituez un binôme métier/IT, choisissez une plateforme low‑code ou no-code certifiée HDS, fixez trois indicateurs : délai, satisfaction soignant, impact patient.
- 4‑6 mois – MVP. Protypez, testez, signez la valeur clinique. Pas de valeur, pas de validation.
- 7‑12 mois – Industrialisation. Intégrez au DPI, formalisez la documentation PGSSI‑S, préparez la montée de version.
- 13‑18 mois – Extension. Répliquez le modèle sur un deuxième service, inscrivez le budget récurrent (TCO & MCO) dans le CPOM.
Il n’y a rien de magique ici, juste une cadence à tenir.
Les bénéfices d’une approche agile et collaborative
Dans un hôpital de 600 lits, chaque journée de séjour évitée libère en moyenne 450 € de capacité. Passez de 12 mois à 4 semaines entre idée et déploiement et vous financez le projet… avant même la fin de l’exercice.
- Vitesse : 4 semaines entre idée et production, adoption immédiate par les soignants.
- Sécurité : plateforme HDS, contrôle d’accès fin, journaux natifs. Le taux d’incidents cyber santé traité par l’ANSSI est passé de 2,87 % à 11,4 % entre 2020 et 2023. Vous ne pouvez malheureusement plus ignorer le volet cyber.
- Souveraineté : hébergement France, APIs ouvertes, liberté vis‑à‑vis de l’éditeur.
En 2025, ne subissez plus votre support IT, reprenez la main
Le low‑code transforme le DSI en chef d’orchestre. Les métiers conçoivent, l’IT gouverne la plateforme, et la direction analyse des KPI en temps réel.
Fini le ticket dormant trois trimestres, place à la correction sous 48 h.
Un support réactif, c’est aussi de la qualité de vie au travail.
Libérez la valeur cachée derrière chaque Post‑it
Confier vos innovations aux seuls workflows papier, c’est prolonger le problème des lits et la frustration des équipes. À l’inverse, en outillant les idées métiers via une démarche low‑code rigoureuse, vous réduisez les délais de mise en production, sécurisez vos données et créez une boucle d’amélioration continue.
Les concepts ne manquent pas, la différence se joue dans la capacité à les transformer en logiciels « vivants », interopérables et certifiés.
Votre prochaine bonne idée existe déjà quelque part entre deux salles de soin.
Attrapez‑la. Prototypez‑la. Déployez‑la.
Les patients et vos équipes n’attendent que ça 😉.